Relations tunisio-françaises dans le domaine céréalier : La sécurité alimentaire est un enjeu commun

 

« Inter céréales-France » vient d’organiser, à Tunis, un séminaire sur « les rencontres 2024 franco-tunisiennes des céréales ». Ce séminaire a été l’occasion pour traiter plusieurs sujets de l’actualité céréalière internationale ; à savoir l’offre céréalière française en 2024 et les principales tendances et perspectives des marchés céréaliers internationaux. 

« En 2024, malgré des aléas climatiques sans précédent, la récolte française a engrangé plus de 26 millions de tonnes de blé meunier, 1.3MT de blé dur et 11 MT d’orge. Du côté qualité, le millésime 2024 de blé meunier est intéressant, tant sur le plan technologique que sanitaire », c’est ce qui ressort de la dernière rencontre organisée à Tunis, par « Inter céréales-France » sur les céréales. Ce séminaire a été l’occasion de présenter cette nouvelle récolte française de céréales. La France, cinquième producteur mondial et quatrième exportateur de blé meunier, saura répondre aux demandes exigeantes de ses clients et partenaires internationaux, elle prévoit d’exporter, en dehors de l’UE, près de 5MT de blé meunier au cours de la campagne de commercialisation 2024-2025.

Mettre en valeur les relations étroites

En Tunisie, après des années de sécheresse, la récolte 2024 s’est légèrement améliorée et s’élève à 6.7 Mqtx. Le pays restera, néanmoins, un importateur structurel et devra, pour la campagne actuelle, acheter sur le marché international 1.1 Mt de blé meunier, 0.6Mt de blé dur, 0.7 Mt d’orge et environ 0.85Mt de maïs. La France compte bien être fournisseur  des céréales qui seront acquises tout au long de l’année par l’Office tunisien des céréales. Cette rencontre franco-tunisienne a été une occasion pour mettre en valeur cette relation étroite et débattre des liens entre les filières céréalières des deux pays.

Conscient de la nécessité de ces échanges bilatéraux, Patrice Auguste, directeur des relations terrain au sein de l’Association générale des producteurs de blé et autres céréales, une organisation professionnelle agricole française, nous expliqué lors de sa présentation que l’objectif de la politique agricole commune (PAC) est de soutenir économiquement l’agriculture européenne, notamment par un soutien aux filières agricoles, puis aux producteurs. « La grande réforme de 1992, qui a consisté à baisser les prix dans l’Union européenne de plus de 30% en trois campagnes céréalières, avait prévu également le versement de compensations économiques pour permettre aux producteurs européens de s’adapter face à l’ouverture des frontières de l’Union européenne au marché international, mettant les producteurs européens en compétition avec leurs concurrents internationaux. Au fur et à mesure des différentes réformes, les soutiens agricoles versés aux producteurs ont été totalement déconnectés des productions déclarées chaque année par les agriculteurs. On est donc passé à un soutien à l’hectare, soutien diminué ensuite à l’issue de chaque réforme de la PAC. La commission de Bruxelles, avec l’accord des pays européens a, par ailleurs, « conditionnalisé » le versement des soutiens européens à un certain nombre de règles. Ces normes toujours plus contraignantes répondant notamment aux demandes d’organisations environnementalistes s’avèrent aujourd’hui lourdes dans leur application et pénalisantes au niveau de l’économie des exploitations agricoles. Ces soutiens européens sont une composante des produits pour le producteur rentrant dans son chiffre d’affaires. Ces soutiens sont donc un des éléments qui consolident « la capacité de résistance » des producteurs face à leurs principaux concurrents sur les marchés d’exportation : Russie, Etats-Unis…qui bénéficient également de soutiens directs ou indirects. «La difficulté aujourd’hui est dans le fait que ces concurrents ne subissent pas les mêmes contraintes que les producteurs français et européens : par exemple en ce qui concerne l’utilisation de certains produits interdits aujourd’hui sur le territoire de l’Union européenne, ce qui fausse terriblement les règles de la concurrence qui n’est plus loyale », a développé Auguste.

L’accès à la nourriture dépend de l’importation des céréales

Faisant le point autour de ce sujet, Philippe Kerbidi, responsable du service recherche et analyse chez Soufflet Negoce by Invivo, a mentionné qu’actuellement les marchés sont largement influencés par des éléments géopolitiques. « Les facteurs macro-économiques ont également un poids significatif : les tensions entre la Russie et l’Ouest, de façon générique, poussent le gouvernement russe à fortement intervenir sur le marché intérieur russe des céréales et de l’énergie, via la mise en place de taxes à l’export par exemple. La Russie étant le premier exportateur mondial de blé, toute action de sa part sur son marché a un impact significatif sur les prix mondiaux et sur le comportement des grands acheteurs. Philippe a déclaré qu’« au-delà de mettre en péril l’accès à de la nourriture pour certaines populations très dépendantes d’importations de céréales, et qui ont généré des débuts de révoltes chez ces mêmes populations, les fluctuations de prix peuvent mettre à mal certaines économies : le besoin de devises étrangères pour faire l’acquisition de ces produits d’importations peuvent déstabiliser les économies fragiles en fragilisant leur monnaie locale ».

De son côté, Benoît Méléard, responsable du pôle Qualités Technologique et Sanitaire des Céréales au sein de l’institut de recherches agricoles français « Arvalis », a fait savoir que la France produit en moyenne 35 millions de tonnes de blé tendre, 1,5 million de tonnes de blé dur et 10Mt d’orge chaque année. D’après ses déclarations, la saison de production 2023-2024 en France a été marquée par des conditions climatiques totalement exceptionnelles avec des pluies continues sur l’ensemble du cycle des plantes. Finalement, la production 2024  est estimée à un peu moins de 26 millions de tonnes. « Le disponible pour l’exportation sur le marché mondial, en dehors de l’UE, est estimé à environ 4,5 millions de tonnes contre plus de 10 d’ordinaire. Les quantités sont donc inférieures, mais la qualité panifiable est reconnue par les professionnels comme étant très bonne. Il est important de noter aussi que la qualité sanitaire répond parfaitement aux normes très exigeantes de la réglementation européenne ».

L’amélioration des rendements en blé à l’échelle mondiale est une nécessité

Selon lui, cet accident de production est totalement lié à la climatologie inédite. Il résulte de la combinaison d’une perte de surfaces d’un peu plus de 10% au moment des semis en raison des pluies qui ont empêché les tracteurs d’entrer dans les champs, et d’une baisse de rendement. Les pertes de rendement quant à elles s’expliquent par les excès d’eau durant toute la saison de production, avec pour effet une limitation des enracinements des plantes ce qui a limité les capacités du grain à se remplir lors de sa formation ».

L’amélioration des rendements en blé à l’échelle mondiale est une nécessité pour répondre à l’évolution de la consommation qui est tendanciellement haussière du fait de l’accroissement démographique planétaire. En France, un travail de fond dans la durée a été engagé depuis plusieurs décennies pour renouveler régulièrement les variétés implantées par les agriculteurs au bénéfice du rendement et de la qualité pour les marchés visés.

« L’Union européenne dispose de la réglementation la plus exigeante au monde en matière de qualité sanitaire. La France, en tant que premier producteur de céréales de l’UE, est soumise à cette réglementation et toutes les céréales françaises vendues sur le marché mondial répondent parfaitement à ces normes. La Tunisie, comme les autres pays d’Afrique du Nord, connaît une série de sécheresse depuis 6 années et cela est évidemment très pénalisant pour les finances de l’Etat. La France ne peut qu’être solidaire à ses côtés et souhaite mettre tout en œuvre afin d’aider la Tunisie à garantir un approvisionnement régulier de sa population. La sécurité alimentaire de tous est un enjeu commun », a conclu Benoît Méléard.

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